Si Nîmes Olympique m’était conté

Dans cet article, nous évoquons la carrière de Monsieur Jorge Dominguez « El Potro », l’attaquant adulé qui escaladait les grillages de Jean Bouin.

Né le 7 mars 1959 à Soltro (Argentine) Jorge Carlos Alberto Dominguez avec son numéro 9 dans le dos est un joueur international à la carrure de déménageur (1m83- 78kg), qui n’hésitait pas à bouger les défenses adverses avec un sens aigu de l’anticipation et du placement, un véritable Goleador bourré de classe.

Une crinière noire, une vraie gueule, un jeu de tête redoutable, les deux pieds, du vice et le sens du but, Jorge Dominguez débute le professionnalisme dans son club formateur de Boca juniors en 1978, où malgré des débuts prometteurs à l’âge de 19 ans il n’arrive pas vraiment à s’imposer.

Ne jouant pratiquement pas il signe en 1980 pour le club Gimnasia de La Plata en 2eme division Argentine, club ambitieux cherchant à monter avec lequel il devient rapidement meilleur buteur en 1981.

Échouant avec le club de la capitale de la province de Buenos Aires a remonter dans l’élite, il tape dans l’oeil de ses anciens dirigeants et formateurs de Boca qui lui propose un contrat et une place de titulaire dans son ancien club du quartier populaire de La Boca. Après presque 100 matchs et 41 buts pour le club Gimnasia il reporte la célèbre tunique jaune et bleue du plus emblématique club argentin pour la saison 1983-84, acheté par le club qui l’a formé. « El Potro » conservera un grande popularité dans le club de La Plata, disant même au travers d’interview d’après carrière toute sa reconnaissance pour ce club qui l’a fait grandir et franchir un pallier.

Retrouvant le stade mythique de la Bombonera Jorge Dominguez fera vibrer le public du club Xeneize marquant 21 buts en 41 matchs disputés, se croisant avec Diego Maradona parti à Barcelone, hélas Boca Juniors connaît de graves difficultés financières passant près de la faillite, et dans l’obligation de vendre ses meilleurs éléments. Au cours de cette saison prolifique, il portera à 3 reprises le maillot albiceleste de l’équipe nationale, au cours la Coupe Nehru à Calcutta en janvier 1984, face à des équipes comme la Chine, l’Inde ou la Pologne, et ayant comme coéquipiers les Marcico, Burruchaga, Pumpido ou Daniel Ponce le futur nîmois et partenaire. Malgré un triplé mémorable contre le club Instituto de Cordoba, Jorge Dominguez accepte un transfert vers l’Europe, direction la D2 Française vers Nice et son projet ambitieux pour retrouver l’élite.

A la tête du club azuréen Jean Séraphin flaire le bon coup avec la venue du redoutable « El Potro » âgé de 26 ans, qui possède encore une belle marge de progression et qui fera tout au long de la saison 1984-1985 la course en tête du classement des buteurs à la lutte avec un certain Roger Milla chez les Verts. Empilant les buts avec le Gym, associé en attaque avec l’ancienne idole croco Gilbert Marguerite, Dominguez marque les esprits et tire Nice vers le haut, avec 28 buts il marche sur la concurrence et permet à son club de retrouver la D1.

Jorge Dominguez inscrira même 4 buts contre Valence au stade du Ray montrant de grandes ambitions, son profil solide et athlétique convient parfaitement au jeu viril de la D2 où il n’est pas épargné par les défenseurs. Il découvrira le stade Jean Bouin en décembre 1984 pour un choc au sommet entre Nîmes et Nice dans un match digne « d’une corrida » comme l’écrivait Victor Sinet pour France Football.

Avec une deuxième mi temps de folie des crocos et une glifle 4 à 2, Jorge Dominguez inscrira un penalty face à la petite butte, cela restera comme sa première rencontre avec le public Nîmois, et laissera présager de grands moments. Connaissant la D1 en 1985-1986 avec l’OGC Nice, il enchaîne les buts de la tête et fait la fête, profitant de la vie sur la côte d’Azur il y rencontre son épouse Dominique avec qui il aura 2 enfants.

En désaccord avec ses dirigeants pour des histoires de gros sous et de salaire, il finit par s’embrouiller et quitte le club pour Toulon, après 70 matchs et environ 45 buts réalisations. Fan de son compatriote Delio Onnis, « Jorge est un phénomène il avait tout pour devenir l’égal de Bianchi ou Onnis » dira Séraphin à son départ dans le quotidien Nice matin.

Attaquant fougueux, Dominguez mérite encore plus son surnom de « El Potro  » après son passage sur la rade, sous la direction de Orsatti puis Courbis, ne trouvant le chemin des filets qu’ à 8 reprises (pour 50 matchs), Jorge est nettement moins efficace dans le Var avec à ses côtés des partenaires comme Paganelli ou Ginola. Suite à une altercation verbale avec un journaliste local, il lui adressa un joli cocard à l’oeil gauche, le tempérament du fougueux argentin passa au sauvage, le club de Toulon mis en route une procédure de licenciement pour faute grave.

Nîmes Olympique flaira alors le bon coup, avec l’arrivée de Bernard Boissier comme entraîneur principal en juillet 1988, celui ci avec ses relations toulonnaises reussit à enrôler Jorge Dominguez, accompagné aussi par son coéquipier d’attaque dans le Var Alain Bénédet. Les ambitions Gardoises et le recrutement XXL donnent au Nîmes Olympique une fière allure, le retour de René Girard au bercail, la signature des expérimentés Daniel Alberto compatriote argentin et d’Eric Bellus, permettent à Jorge Dominguez de s’épanouir à nouveau devenant rapidement la coqueluche du vieux stade Jean Bouin. Dès la 3 ème journée  en juillet 1988, le buteur argentin ouvre son compteur but avec le maillot Catavana contre Sète, victoire 2 à 0 Dominguez a lui tout seul fait le spectacle.

En instance d’être naturalisé français, le goleador croco frappe partout, n’ayant que le but adverse comme objectif, deux buts à Istres (1-2) puis 3 contre Bastia à Jean Bouin (3-1), Jorge ne s’avoue jamais battu, de la race des grands avant centres il fait aussi marquer ses partenaires et son jeu de tête est superbe. Effectuant un travail de sape dès le coup d’envoi sur les défenses, par sa présence constante il pèse sur les défenses et rend le public Nîmois fou d’admiration faisant un véritable show après avoir marqué en grimpant sur le grillage des deux buttes. Ex aequo comme champion d’automne avec Lyon, Nîmes Olympique terminera la saison 1988-89 deuxième derrière les Rhodaniens, et fera ses débuts après les tragiques inondations d’octobre, dans un nouvel écrin les Costières en mars 1989. Le 13 mai 1989 devant 12.000 Nîmes Olympique battra Lyon (3-1) pour la dernière journée du championnat, un match de gala permettant surtout de s’assurer un barrage à domicile. Auteur d’un doublé Jorge Dominguez fut une nouvelle fois le grand homme du match, en pleine feria Midi Libre écrira « les aficionados ont assisté à une première banderille de Dominguez, maître de son sujet, entouré de picadors talentueux le goleador pouvait entamer sa faena magistrale….homme du match et véritable poumon de l’équipe ». Après une victoire aboutie contre Rennes (1-0) grâce au duo complémentaire Ménad / Dominguez en pré barrage, Nîmes part défier Brest en Armorique. Subissant une cruelle désillusion dans un match houleux en Bretagne les Nîmois se retrouvent à accomplir un exploit au match retour aux Costières. Dans un match épique resté dans la mémoire collective et malgré un but rageur de la tête de Dominguez, l’aventure pour la montée s’arrête là, El Potro règlera ses comptes avec un autre sud américain Roberto Cabanas dans un match électrique, une course poursuite vaine et un combat à l’extrême limite de la régularité. A la surprise générale l’annonce du départ de Jorge Dominguez pour Tours à l’été 1989 fait l’effet d’une bombe dans le mundillo footballistique nîmois. En désaccord avec les dirigeants et le président Bousquet sur une revalorisation salariale El Potro claque la porte du club, le charmant compagnon de vestiaire et le joyeux drille en dehors des pelouses laisse un grand vide, que malheureusement la recrue phare yougoslave Vokkri ne parviendra pas à faire oublier dans le coeur des supporters du NO. Malgré ses 18 buts avec le maillot rouge, il continue de faire trembler les filets adverses dans l’autre groupe de D2 même si le club de Touraine se sauve de justesse et connaît des difficultés financières. En 1990-1991 Antoine Sauli et Michel Mézy prennent les reines du Nîmes Olympique, l’arrivée de l’entraîneur argentin Roméo ainsi que des internationaux Cucioffo et Ponce, vont largement influencer dans le choix d’un retour de Jorge Dominguez au club. Cherchant un avant centre de métier et capable de vite s’adapter, Nîmes Olympique rachète le contrat d’El Potro à Tours et accepte ses conditions salariales, pour un retour en fanfare de l’idole des Costières. Toujours truculent et bout en train Dominguez est chez lui à Nîmes, vivant dans sa maison dans les garrigues nord il est le parfait coéquipier, n’hésitant pas à prendre sous sa coupe certaines jeunes pousses prometteuses comme Aziz El Ouali, qui témoigne d’un personnage hors norme charismatique et d’amuseur de groupe, « inoubliable son français parlé, mélangé à un accent inimitable…il déconnait en permanence, toujours à faire des blagues ou des bêtises inracontables, quand je lui ratais un centre aux courbiers il me disait des mots doux en argentin…. » Ou encore Yvan le Mr Sécurité des joueurs, qui lui avait offert une bouteille d’un grand vin qu’il dégustait coupée avec du Coca-Cola. En ce début de saison 1990-91 Nîmes Olympique et Michel Mézy à la baguette veulent retrouver clairement l’élite, un recrutement de qualité des jeunes de la formation et des vieux briscards, la mayonnaise prend immédiatement. Dès l’ouverture du championnat aux costières et dans un derby contre Avignon, le public répond présent pour voir surtout le retour de son attaquant chéri, outre sa faculté de marquer on reconnaît un buteur dans son aptitude à être présent lors des grands rendez vous et Jorge Dominguez en fait parti. Orphelin de sa fougue sud américaine de nombreux supporters ne cachaient pas leur satisfaction à l’annonce de son retour dans la Rome française. El Goleador naturalisé français n’a pas déçu son monde, sous les yeux de Michel Platini, faisant trembler à nouveau les filets des Costières. Saluant le kop derrière les buts à chaque réalisation il déclarera à Midi Libre  » tout le monde voulait que je revienne et quelque chose en moi me pousser à revenir », le public croco venait de récupérer son buteur dans une communion solennelle. Hélas le retour de Jorge s’arrêta rapidement fin juillet dans un derby à Martigues victime d’un tacle violent de Piton par derrière, son genou lâcha, opéré son absence fut préjudiciable pour l’équipe. Revenant sur les terrains à l’automne il continua de dynamiter les défenses adverses, lors du derby à Noël à Alès le combat âpre et rugueux lui coûtera même une expulsion (0-0). Revenu à son meilleur niveau il enchaînera des grandes prestations faisant basculer le match contre Strasbourg ou Louhans par des doublés, ce jour là, le journal L’Equipe titrera en une  « une statue pour El Potro ». Nîmes Olympique leader en D2 s’offrira un match quasiment du sacre en avril 1991 à Istres, jouant pratiquement à domicile Dominguez marquera le but de la victoire peut-être même celui le plus important de la saison. Porté en triomphe comme un torero le soir du sacre contre Ajaccio après un match nul insipide, Dominguez prendra les choses en mains après une accolade avec Romeo faisant chauffer la colle, sur les épaules des supporters au milieu de la pelouse des Costières ça sera la dernière image de lui sous le maillot croco.

Avec l’annonce de la signature de Cantona en juillet Dominguez comprendra qu’il ne fera plus parti des plans pour la saison à venir en D1. Il quittera Nîmes et la France pour finir sa carrière en Argentine au Deportivo Mandiyu puis avant de raccrocher les crampons définitivement au club Deportivo Laferrere. Jorge Dominguez deviendra durant de nombreuses années le président du syndicat des joueurs professionnels de son pays, il participera aussi dans des commissions de la FIFpro pour la protection et les droits des joueurs professionnels dirigées par le français Philippe Piat. Démissionnaire de ses fonctions dans le football pro argentin au milieu des années 2000, aujourd’hui et malgré quelques passages en France et sur Nîmes beaucoup d’anciens joueurs n’arrivent plus à avoir de ses nouvelles. Jorge Dominguez aura marquer sans aucun doute l’histoire du Nîmes Olympique, il fait parti de ces joueurs d’exception qui marquent des générations de supporters, à genoux ou accroché au grillage pour célébrer ses buts sa chevelure noire au vent flotte toujours sur Jean Bouin ou les Costières, son jeu de tête exceptionnel son vice et son sens inné du but font de lui à jamais  El Goleador croco.

 

𝑨𝒓𝒕𝒊𝒄𝒍𝒆 𝒅𝒆 𝑩𝒆𝒓𝒕𝒓𝒂𝒏𝒅 𝑩𝒊𝒂𝒏𝒄𝒊𝒐𝒕𝒕𝒐